98. MORTELS : 24 ANS
Eun Bi a quitté son entreprise de dessins animés et travaille maintenant dans une filiale japonaise de la boîte coréenne de son ami Korean Fox, « le Cinquième Monde ». Étrangement, elle ne l’a toujours pas rencontré et ils communiquent par ordinateurs interposés.
Eun Bi a 24 ans et est toujours vierge.
Elle écrit et réécrit pour la centième fois son roman sur les dauphins. Elle finit par abandonner complètement l’écriture pour revenir à son art premier : le dessin. Quand elle ne construit pas les décors du Cinquième Monde, elle peint de grandes toiles chez elle.
— C’est quoi le Cinquième Monde ? demande Héra.
— Une trouvaille de mortels, dis-je avec amusement.
« 1er monde : le réel.
« 2e monde : le rêve.
« 3e monde : les romans.
« 4e monde : les films.
« 5e monde : les mondes virtuels informatiques.
Héra est intéressée.
— Et son roman sur les dauphins ?
— Elle ne le finira jamais, dis-je. C’est un tonneau des Danaïdes, plus elle le remplit plus il se vide. Les romans, c’était son outil d’expression principal dans sa vie précédente, quand elle était Jacques Nemrod, son âme a d’ailleurs écrit une grande saga sur les rats, mais maintenant, ce n’est plus son mode d’expression privilégié. La peinture l’a remplacé.
Je zappe.
Théotime a ouvert un club de sport pour touristes. Il a installé une salle de relaxation où il essaie de développer un peu d’autohypnose entre deux séances de musculation. L’exercice plaît beaucoup aux visiteurs. Théotime connaît en même temps sa période de dragueur invétéré. Il change de compagne pratiquement toutes les semaines. Mais l’une d’elles lui révèle un penchant qu’il ignorait pour la danse moderne. Il recherchait cela dans la boxe, puis dans le yoga, finalement il le trouve dans ce nouveau mode d’expression corporelle.
Kouassi Kouassi, pour sa part, s’est mis en ménage avec la jeune Parisienne qu’il a sauvée. Le choc des cultures n’est pas facile. La famille de la jeune fille a du mal à intégrer le jeune homme, mais pour l’instant le couple tient et l’adversité le renforce.
Le vendredi soir, Kouassi Kouassi a pris l’habitude de jouer des percussions avec un groupe de jazz que lui a présenté son amie. Le jazz est pour lui une complète découverte. Quand sa journée à la faculté est terminée, il traîne chez les disquaires pour écouter cette musique complexe.
Héra affiche un air vaguement intéressé.
— J’aimerais leur parler, dis-je.
Héra me regarde puis éclate de rire.
— À des mortels de Terre 1 ! Et tu leur dirais quoi ?
Qu’un dieu les surveille et les aide et que ce dieu c’est moi. Non. Bon sang : même en étant dieu, je ne crois pas vraiment en moi. Cette idée est affreuse. « Même en étant dieu, je ne crois pas en moi. » Aussitôt une autre idée : j’aurais envie de leur dire : « Et vous, si vous étiez dieu, vous feriez quoi ? » C’est vrai, depuis le temps que tout le monde s’adresse à la dimension du dessus pour exprimer des requêtes, des prières, des regrets, que feraient-ils s’ils basculaient de l’autre côté du miroir ?
« Et vous, si vous étiez dieu, vous feriez quoi, puisque vous vous croyez si malin ? » Voilà la question que j’aurais envie de poser à un mortel, poser une question plutôt que donner une réponse. Et en même temps j’aurais envie de dire : « Vous croyez que c’est facile ? » Ayant surveillé un peuple âgé, selon son échelle de temps, de plus de 5 000 ans, je peux dire que c’est épuisant.
La vraie question que se pose un dieu est : « Comment créer un peuple qui ne disparaisse pas trop vite dans les oubliettes de l’histoire ? » Voilà une vraie question divine.
Héra me fixe toujours de son air amusé.
— Pour commencer je leur dirais d’arrêter d’avoir peur. Ils vivent en permanence dans la crainte. C’est cela qui les rend si facilement manipulables.
La phrase d’Edmond me revient : « Ils essaient de réduire leur malheur au lieu de construire leur bonheur. »
— Et si tu leur parlais, tu crois qu’ils t’écouteraient ?
— Oui.
— Tu croiserais Eun Bi dans la rue, tu lui dirais quoi ? « Bonjour je m’appelle Michael Pinson et je suis un dieu » ? Ta mortelle Eun Bi n’est même pas croyante.
— Elle me prendra juste pour un fou mégalomane.
— Peut-être pas… elle a l’air d’aimer les jolies histoires. Elle t’écoutera, et elle pensera « Tiens, une histoire originale. »
C’est vrai qu’elle a cet avantage de ne pas être dans le jugement… elle écoutera mon histoire, n’y croira pas, mais peut-être que cela lui donnera envie de l’écrire.
Jacques Nemrod, en tout cas, son ancienne incarnation, le ferait, je n’en doute pas.
L’idée m’amuse. Si on la mettait en contact avec la vérité, elle se dirait simplement que ce n’est qu’une histoire, une idée pour écrire un roman peut-être…
— Tu peux les inspirer mais tu ne peux pas leur révéler la vérité… D’ailleurs croient-ils eux-mêmes à ce qu’ils créent ? Kouassi Kouassi joue des percussions, croit-il en sa musique ? Eun Bi écrit et peint sur toile, croit-elle en ses peintures ? Théotime fait de la danse moderne, croit-il dans son art ? Non, ils produisent de l’art parce que cela les « amuse »… dans le sens « use l’âme ». Ils ne se rendent pas compte de leur pouvoir créatif. Et c’est probablement mieux ainsi. Tu imagines ce qui se passerait s’ils prenaient vraiment conscience de ce qu’est réellement Terre 1 ?
— Justement, c’est quoi ?
— Un prototype… Une première expérience pour étalonner les prochaines humanités. Comme on dit en télévision : un épisode pilote. Précisément, un lieu vierge où l’on peut se livrer à toutes les expériences, puisque rien n’est encore décidé.
Je regarde la télévision. Si Héra peut voir Terre 1 et ses cobayes, elle doit pouvoir observer aussi l’Olympe et tous ses habitants. Je zappe et aperçois en effet des plans de la cité des bienheureux comme si des centaines de caméras de surveillance étaient disséminées dans la ville. Je peux même voir à l’intérieur des habitations. Je peux voir dans la forêt. Je peux voir le fleuve. Je peux voir la Gorgone chez elle, en train de peigner les serpents de sa chevelure.
— Vous saviez que j’allais venir, n’est-ce pas ?
Elle ne répond pas.
— Vous allez me dénoncer à Athéna ?
Je termine la soupe et soulève l’assiette pour en recueillir les dernières gouttes. Elle prend alors un œuf dur dans un panier, le coupe en deux et me le sert dans une petite assiette avec un peu de mayonnaise.
— Il faut cacher et oublier le crime originel, dit-elle.
— Abel et Caïn ?
— Non, ça c’est pour la foule. D’ailleurs, il faudra mieux l’examiner, le crime de Caïn… Non, je parle du premier crime. Un crime beaucoup moins connu. Le crime originel caché. La Mère qui a mangé ses premiers enfants. Edmond Wells te l’a peut-être dit… Chez les fourmis, au commencement, une reine seule et affamée pond des œufs chétifs…
Héra ferme le livre de Terre 1 et le range sur une grande étagère. Elle me sert encore des œufs.
— La reine créatrice est coincée. Elle ne peut bouger… pour survivre, elle mange ce qu’il y a près d’elle, c’est-à-dire ses premiers enfants tarés.
Je n’ose comprendre.
— Et avec l’énergie de cet acte cannibale elle peut pondre des œufs engendrés avec davantage de protéines. Des enfants de moins en moins tarés.
Héra parle avec un voile de tristesse dans la voix, comme si ce drame était nécessaire.
— Voilà l’autre côté du mythe des déesses mères, elles ont dû dévorer leurs premiers enfants pour ne pas engendrer de mondes ratés. C’est l’une des mythologies premières. Même sur Terre 18, n’oublie pas qu’avant les dauphins il y avait le culte des fourmis. Ton ami Edmond Wells le savait. Comme les chamanes de son peuple le savaient. La pyramide, le sens de la métamorphose, la reine télépathe, la momification, le culte du Soleil, tout cela ce ne sont pas des informations issues des dauphins mais des fourmis… Et les fourmis portent ce secret terrible inscrit dans leurs gènes. Tout a commencé par un crime. Le pire des crimes. Une mère qui a mangé ses propres enfants.
Je me souviens qu’Edmond Wells faisait référence à une cosmogonie étrange qui évoquait cela. Il disait : « J’ai rêvé que le Créateur avait créé un brouillon d’univers, une bêta-version de l’univers qu’il voulait construire. Il a testé cette première œuvre. Il a pu ainsi voir toutes les imperfections de son prototype. Le Créateur a ensuite bâti l’univers frère, parfaitement abouti cette fois. Alors le Créateur a dit : « Maintenant on peut effacer le brouillon. » Mais la conscience de l’univers cadet réussi a demandé que l’on conserve le frère aîné brouillon. Le Créateur décida alors qu’il ne s’en occuperait plus. Et l’univers aîné raté passa sous la responsabilité de l’univers cadet réussi. Depuis lors, l’univers réussi essaie de rafistoler le raté. Pour le sauver, il envoie de temps en temps des âmes éclairées qui ralentissent le pourrissement de l’univers aîné. Le Créateur ne s’occupe plus directement du brouillon, c’est l’univers frère qui le maintient à bout de bras. »
Edmond Wells m’a dit ça un jour, lorsqu’il était mon maître instructeur dans l’Empire des anges. Je ne savais pas s’il l’avait lu quelque part ou s’il l’avait inventé. Je trouvais l’idée dérangeante. Surtout qu’il avait conclu : « Nous sommes dans l’univers raté. »
Maintenant cette histoire prend une tout autre dimension avec la révélation d’Héra. Un enfant réussi a essayé de sauver ses aînés tarés et les aurait soustraits à la volonté de la mère qui doit nettoyer ses brouillons.
Lorsque j’étais mortel, une amie m’avait raconté qu’elle avait un frère handicapé. On lui avait abîmé le cerveau à la naissance. Les forceps avaient serré trop fort son crâne. On pensait qu’il allait mourir au bout de quelques semaines, mais il avait survécu. Il était resté attardé. La famille n’avait pu se résoudre à se séparer de lui, alors tous avaient vécu à son rythme. Et mon amie s’était transformée en infirmière, passant son temps à le nourrir, le changer, le sortir, toutes ces activités de base qu’il ne pouvait plus effectuer seul.
La voix d’Héra me ramène au présent :
— Le culte originel de Terre 1 est un culte insecte. Ils vénéraient les abeilles car ces insectes sociaux étaient là cent millions d’années avant les humains.
— Et le point de bascule de cette culture est le crime de la mère.
Elle s’assoit face à moi.
— C’est un secret ancien. Mais il y a des secrets derrière les secrets. Examine déjà ton monde. Derrière le pal : le poisson. Derrière le poisson : le dauphin. Derrière le dauphin : la fourmi.
— Derrière la fourmi : Aeden. Et derrière Aeden…
— L’univers. Personne ne connaît la vraie cosmogonie de l’univers, annonce-t-elle enfin. Nulle part dans le cosmos on ne sait pourquoi nous sommes là et pourquoi le monde est ainsi. Nous ne savons même pas pourquoi il y a de la vie plutôt que rien.
Je regarde par la fenêtre ouest. Et à nouveau la montagne avec son sommet nuageux me fait face, majestueuse. Le soleil, placé juste derrière, irise la rocaille. Le vent fait glisser les nuages vers moi, comme si là-haut quelqu’un soufflait dans ma direction.
Le Souffle des dieux.
— Je veux continuer à gravir la montagne…
Elle prend un air contrarié.
— Quelle est ta motivation profonde ?
— Je ne sais pas. La curiosité peut-être.
— Mmmm, tu me plais, Michael Pinson. Mais si tu veux monter, il te faudra tout simplement gagner au jeu d’Y. Ton ascension sera automatique. Redescends en Olympie. J’arrangerai les choses pour que tu puisses revenir dans le jeu.
— Je veux continuer à grimper. Je n’ai pas fait tout ce chemin pour rien.
— Souviens-toi du mythe d’Icare. Tu risques de te brûler les ailes en t’élevant vers le soleil.
Et comme elle dit cela, elle prend une bougie allumée, saisit ma main et la porte contre la flamme. Je serre les dents le plus longtemps que je peux, mais la douleur est trop forte, je pousse un cri et retire ma main.
— Voilà une expérience de la chair. Alors veux-tu encore monter ?
Je grimace et souffle sur mes doigts.
— C’est peut-être mon destin d’âme. Les saumons remontent les rivières vers leur lieu de naissance pour comprendre pourquoi ils sont nés…
— Et les papillons volent vers la lumière qui va les détruire.
— Mais au moins ils savent.
Elle remonte ses manches sur ses coudes.
— Ne confonds pas courage et masochisme.
— Qui ne risque rien n’a rien.
Héra prend mon assiette vide et la dépose dans l’évier. Puis, comme si elle voulait arracher quelque chose à la porcelaine, elle se met à la frotter avec une brosse. Avec la même énergie que lorsqu’elle épluchait les carottes. Elle évacue sa rage dans les tâches ménagères.
— Hmm… Tu veux du café ?
— Volontiers.
— Avec du sucre ?
— Oui, merci.
— Combien ?
— Trois.
Elle me regarde tendrement.
— Qu’est-ce qu’il y a ? dis-je, mal à l’aise.
— Tu aimes les sucreries hein ? Il reste encore tellement d’humanité en toi.
Je me renfrogne, elle a dit « humanité » comme elle aurait dit « infantilisme ». Veut-elle dire que je suis encore un enfant qui prend son plaisir en mangeant des friandises ? Pourtant son regard me semble bienveillant.
Elle me sert du café odorant. Puis s’avance vers un four et en sort un gâteau brun dans un moule en forme de cœur. On dirait un gâteau au chocolat. Un mi-cuit au chocolat assez semblable à celui dont la recette se trouve dans l’Encyclopédie. Elle découpe une grosse part de gâteau et la fait glisser dans une assiette en faïence qu’elle place devant moi.
— Tu as le droit de te tromper. Tu as même le droit d’aimer…
Elle prend un air bizarre.
— … Aphrodite.
Elle sait que son fantôme est encore dans mon cœur.
Je dévore le gâteau.
— C’est vraiment délicieux.
— Ah, ça te plaît ? Je suis contente. Ça au moins c’est un plaisir sûr, n’est-ce pas ?
Elle me regarde avec ce même air maternel qui m’avait surpris dès le début de notre rencontre.
— Le repas était bon ? Je veux vraiment que tu gardes un bon souvenir de notre rencontre, pour que tu aies envie toi aussi d’une chaumière, d’une femme, d’une soupe, de pain, de gâteau au chocolat, de café. Et maintenant fiche-moi le camp.
— Je veux monter. Aidez-moi.
Elle s’arrête, réfléchit.
— Très bien monsieur le borné, je vais t’aider. Mais mon aide est conditionnée par une épreuve. C’est une sorte de tradition ici. Tu ne pourras poursuivre ton ascension que si tu me bats aux échecs. Un jeu de petit garçon ; tu devrais être bon. Il te faudra gagner, pas de partie nulle ou de pat, hein ?
Elle dispose alors un jeu d’échecs étrange où, à la place des pièces noires et des pièces blanches, des figurines représentent d’un côté des hommes et de l’autre des femmes. Les femmes sont en rose, elles portent des toges comme Aphrodite. D’ailleurs, celle qui me semble la reine arbore un vague air de ressemblance. Je comprends à sa couronne qu’elle a la fonction de roi. À sa droite, une autre femme porte une couronne à peine plus petite et a la fonction de reine. À la place du fou, une folle. À la place du cavalier, une cavalière. À la place de la tour, un biberon. Côté hommes, les pièces sont en toge noire. Il y a un roi normal avec à sa droite un ministre, puis les autres pièces ressemblent assez aux figurines courantes. Si ce n’est que les fous ont des allures un peu efféminées.
Comme à mon habitude j’avance mon pion du roi. Elle fait glisser en face une pionne qui se… déhanche un peu devant ma pièce, avant de me décocher un clin d’œil.
Je recule de surprise.
— Mais c’est vivant !
— Ça te plaît ? demande Héra. C’est Hermaphrodite qui a construit ce jeu. Il est très doué dans le biologique, comme Héphaïstos est doué en technologie. Je crois qu’il y aura toujours ces deux choix. La voie de la vie et la voie des machines.
Bon sang, je comprends que ces pièces sont des hybrides ! Mi-humains-bonsaïs, mi-pièces d’échecs. Je me penche vers mes propres figurines et vois que mon roi impatient de jouer se gratte la barbe. Son Premier ministre recompte quelque chose sur un calepin. En face, le roi-reine qui ressemble à Aphrodite se lime les ongles. Alors que sa folle vient de sortir un paquet de cigarettes et fume.
Ils ont des bras et des mains d’une matière de couleur homogène, qui semble du plastique. Seuls les yeux sont blancs avec des pupilles marron ou bleues. Leurs petites paupières battent parfois. Je touche une pièce et m’aperçois qu’elle est molle et tiède comme de la chair.
— Ils sont animés mais eux, ils n’ont pas de libre-arbitre, rectifie Héra, ils feront ce qu’on leur dira de faire.
Nous jouons. La déesse s’avère une redoutable adversaire, mais le combat reste équilibré. À chacune de mes offensives elle oppose une défense astucieuse, mais j’arrive à passer.
En fin de partie, il ne reste que son roi-reine et mon roi-roi. Normalement c’est pat, mais j’ai l’impression que la partie n’est pas achevée. Pris d’une inspiration soudaine, je ferme les yeux, avance mon roi-roi devant sa reine-reine et me concentre. Je pense à l’énorme enjeu de cette partie. Me rappelant que tout ce qui est vivant peut communiquer, je murmure en direction de mon roi :
— Vas-y, maintenant.
Alors mon roi se penche, enlace sa vis-à-vis, la serre contre lui et l’embrasse goulûment. La pièce adverse hésite puis accepte son baiser.
Héra a l’air ravie.
Mon roi commence à déshabiller la reine et celle-ci dévoile une petite poitrine frémissante toute rose.
Héra applaudit.
— Tu es peut-être bien plus fort que je ne le croyais, dit-elle.
Les deux pièces miment des gestes de plus en plus osés.
— L’amour triomphe de la guerre ! Tu crois qu’ils vont nous faire des « bébés pièces d’échecs » ?
Elle caresse les petits personnages d’un doigt bien plus grand qu’eux.
— En tout cas je vois qu’avec l’aide des dieux, dis-je, l’amour peut gagner. Vous devez tenir votre parole.
— C’est la chose la plus stupide qui soit, mais je tiendrai parole. Après cela… rappelle-toi que tu n’auras pas le droit de te plaindre.
Elle me fixe intensément.
— Sache que sur ton chemin tu trouveras une épreuve de taille : le Sphinx. C’est Sa serrure vivante. Même moi je ne peux monter. On ne peut passer qu’en résolvant l’énigme. La connais-tu ?
— Oui. Qu’est-ce qui est mieux que Dieu, pire que le diable…
Elle me prend par le bras pour me faire lever et m’entraîne vers une porte au fond de la pièce. Elle tourne la poignée.
La porte donne sur une cavité rocheuse directement creusée dans la montagne. La matière est semi-transparente et fait penser à du plastique ou du verre. De l’ambre.
Je m’avance et découvre des marches. Un escalier en colimaçon a été creusé dans la roche orangée.
— Puisque tel est le choix de ton libre-arbitre…, dit la déesse.
— Si je meurs, est-ce que vous pourriez transmettre aux autres mon souhait : que mon peuple des dauphins soit pris en charge par Mata Hari ?
Elle approuve.
— Adieu, Michael Pinson.